Allonger les études d'enseignant
coûterait
plus de 500 millions par an


Le gouvernement a estimé le surcoût lié au passage de 3 à 5 ans de la formation des instituteurs et régents. A terme, plus d’un demi- milliard d’euros. Payable ?

Revoir la formation initiale des enseignants, confrontés aujourd’hui à un environnement qui a beaucoup évolué, est un des objectifs que s’est fixé le gouvernement PS-Ecolo-CDH à la Communauté française. Il vient de lancer une grande consultation des enseignants sur ce thème. Mais pour l’Olivier, cela passera nécessairement par un allongement des études de trois à cinq ans, comme c’est le cas dans de nombreux pays. Des obstacles se dressent cependant sur la route de cette réforme. Et parmi ceux-ci (coût à charge de l’étudiant, pénurie de profs ), l’impact budgétaire pour la Communauté française n’est pas le moindre.

Jusqu’ici, cet impact financier n’a pas vraiment été chiffré. Mais à la fin de l’année dernière, une note de Jean-Claude Marcourt (PS, Enseignement supérieur) et Marie-Dominique Simonet (CDH, Enseignement obligatoire) est passée en gouvernement. Elle comportait une estimation en trois volets du coût financier de l’opération pour le budget communautaire. A sa lecture, on peut se demander si cette réforme sera payable, et si oui, quand.

1) Le passage de trois à cinq ans de la formation initiale des enseignants en Haute Ecole.
Premier coût à envisager, celui de la formation proprement dite, puisque la Communauté finance chaque étudiant, pour un coût unitaire de 3 950 euros/an. Vu le nombre d’étudiants en 3e année de bachelier (3 081 en 2009) et en tenant compte de la pondération de ce financement et des aides sociales, le coût estimé est de 20,3 millions la première année, et de 40,7 millions en année pleine (à partir de la 2e année suivant la réforme).

2) Le passage du barème 301 au barème 501 pour les nouveaux enseignants.
Des études plus longues impliquent un alignement du salaire des instituteurs maternels et primaires et des régents sur celui des licenciés agrégés pour le secondaire supérieur. Selon les échelles barémiques 2009, un équivalent temps plein (ETP) 501 sans ancienneté coûte 34 992 euros, contre 28 204 euros pour un ETP 301, soit une différence de 6 788 euros/an. Vu le nombre d’ETP enseignants en 2009, à savoir 63 178 ETP 301 et 15 445 ETP 501, et en tenant compte d’une base de départ à la pension de 1 500 départs ETP 301 à la pension par an, il en coûterait 10,18 millions d’euros/an. Soit un coût nul les deux premières années (aucun étudiant n’étant diplômé), et de 10,18 millions en année 3, 20,36 millions en année 4 A terme, il en coûterait 428,85 millions d’euros en année pleine, pour le remplacement des 63 178 ETP 301 par autant d’ETP 501, sans ancienneté, et sans indexation.

3) Le passage du barème 301 au barème 501 pour les enseignants en poste.
Dernier effet à calculer, celui qui concerne les enseignants déjà au travail qui voudraient parfaire leur formation et accéder aussi au barème supérieur, un cas de figure qui existe déjà. Sur ce point, la note dit qu’il est prématuré de chiffrer l’impact, mais ajoute que la simulation au point 2 pourrait être accélérée de plusieurs dizaines d’ETP par an les premières années, voire plusieurs centaines en vitesse de croisière.

Au total, le gouvernement estime dès lors l’impact financier de l’allongement des études d’enseignant à 20 millions la 1ère année, 40 la 2e, 50 la 3e, 60 la 4e Après huit ans, on en serait déjà à 100 millions par an. Et à terme, en année pleine, le surcoût serait donc de 468 millions, sans tenir compte de la revalorisation des enseignants en place, qui ne fera qu’accélérer l’impact financier. Un montant à mettre en balance avec les 350 millions que coûte annuellement le redoublement (qui pourrait se réduire grâce à la meilleure formation des profs). Et à comparer avec le budget total de la Communauté, qui s’élève à un peu plus de 9 milliards d’euros en 2011.

Cette estimation qui fait froid dans le dos, Robert Deschamps la juge cependant "un peu faible". Pour le spécialiste namurois des finances des entités fédérées, il faudrait notamment tenir compte du barème moyen des enseignants, et non du barème des débutants. Car selon lui, il est évident que la revalorisation des enseignants déjà en poste se ferait automatiquement, justifiée par l’expérience professionnelle accumulée. C’est ce qui s’était fait lorsque la formation des régents est passée à trois ans, rappelle-t-il. Dès lors, cet allongement de deux ans aurait un surcoût bien plus grand qu’un demi-milliard d’euros. Et Robert Deschamps de se demander si la Communauté, qui n’a toujours pas évalué les effets de la réforme précédente, a bien les moyens de se payer un tel allongement. Jusqu’ici, l’Olivier, estimant qu’il s’agit là d’un dossier essentiel, n’y a en tout cas pas renoncé. Mais il n’a pris aucun engagement pour cette législature.

 

L Gérard
mis en ligne le23/02/2011
L-a L-i-b-r-e B-e-l-g-i-q-u-e