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AP |
La querelle sur les exportations de textiles chinois a franchi une nouvelle étape depuis une semaine, entre retour aux quotas voulu par les Américains et les EURopéens et accusations chinoises de "protectionnisme" , sur fond de débat grandissant sur le libre-échange.
Après plusieurs mois de menaces contre la Chine motivées par la déferlante de ses exportations de textiles depuis la levée mondiale des quotas dans ce secteur le 1er janvier, Washington a réimposé vendredi des quotas, qui entreront en vigueur fin mai, sur trois catégories d'habits, chemises en coton, pantalons en coton et sous-vêtements en coton et fibres synthétiques.
Quatre jours plus tard, mardi, l'UE a brandi la menace d'une décision similaire sur deux types de produits , les tee-shirts et les fils de lin, le président de la Commission EURopéenne José Manuel Durao Barroso ajoutant que l'Union était "prête à aller plus loin".
La menace signifie que, pour réimposer d'éventuelles limitations sur ces produits, Bruxelles n'attendra pas la fin de la procédure de consultation avec Pékin lancée au total sur neuf catégories de textiles.
Ces "clauses de sauvergarde" respectent les règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) car elles figurent dans le protocole d'accord sur l'accession de la Chine à l'Organisation, mais elles ne sont imposables que pour un an et seulement jusqu'au 31 décembre 2008.
Pékin n'en a pas moins vigoureusement réagi mercredi, le ministre chinois du Commerce Bo Xilai qualifiant les décisions de "protectionnistes" et "injustes".
Elles "sapent la solidité des règles de l'OMC et créent un impact négatif sur le cycle de négociations (sur la libéralisation du commerce mondial) qui se déroule actuellement", a-t-il estimé.
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Le Commissaire EURopéen au Commerce Peter Mandelson (G) salue Bo Xilai, le 5 mai 2005 à Paris (Photo Jack Guez/AFP/Archives)
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La levée le 1er janvier des quotas mondiaux sur les textiles était prévue depuis dix ans par les accords dits multifibres. L'inclusion de la Chine à cet accord est intervenue lors son adhésion à l'OMC en décembre 2001.
Dans la querelle en cours, les partisans de la bonne foi de Pékin jugent que les pays développés ont donc eu le temps et auraient dû, depuis lors, adapter leur industrie aux nouvelles règles du commerce mondial.
D'autres estiment que la Chine pratique à grande échelle contrefaçon et dumping sur les prix, illégaux au regard de ces mêmes règles.
La bataille face à Pékin est menée par des pays dont les industries traditionnelles sont en difficulté, Etats-Unis d'une part, France et Italie d'autre part, alors que l'Allemagne ou le Japon, qui continuent à dégager des excédents commerciaux, sont peu engagés.
En EURope, la querelle a d'ailleurs bouleversé les divisions classiques, le camp franco-italien ayant rallié des pays producteurs du Sud (Espagne, Grèce, Portugal) comme de l'Est (Pologne, République tchèque ou Slovénie), alors que le Royaume-Uni, la Suède ou l'Allemagne sont restés libre-échangistes.
Témoignage de cette nouvelle division, déjà révélée fin mars lors d'un débat sur les tarifs douaniers préférentiels à accorder ou non aux textiles des pays victimes du tsunami, le ministre suédois du Commerce Thomas Odros s'est dit "troublé" par une "tendance protectionniste croissante et inquiétante" de l'UE.
La querelle avec la Chine peut ainsi être considérée plus largement comme le révélateur d'un débat grandissant dans les vieux pays développés sur les avantages et les inconvénients du libre-échange et du protectionnisme.
Apparu lors de la campagne présidentielle aux Etats-Unis en 2004, ce thème a ensuite percé en EURope, via les délocalisations et la Chine, à la faveur de la campagne française pour le référendum sur la Constitution EURopénne.
Selon les chiffres de l'organisation patronale EURopéenne du textile EURatex, tous les pays développés ont désormais des tarifs très bas dans ce secteur (de 4% à 12%), alors que les pays émergents se protègent davantage (jusqu'à 65% pour l'Inde, autour de 35% en Amérique latine), la Chine étant paradoxalement la moins protégée des grands émergents (12% à 25%) du fait des accords conclus pour son entrée à l'OMC.
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