Concrètement, Philippe Mahoux propose que l'avantage fiscal accordé aux particuliers dans le cadre de l'épargne-pension ne leur soit effectivement attribué qu'à la condition que leur placement réponde à des critères éthiques. On qualifie encore un tel placement d'"investissement socialement responsable" (ISR). Il s'agit de "toute forme d'investissement qui ne répond pas uniquement à des critères financiers mais également à des préoccupations sociales éthiques, environnementales et de bonne gouvernance", explique Philippe Mahoux. Par exemple, l'ISR exclut d'utiliser l'argent récolté pour financer une entreprise active dans l'armement ou encore une société qui enfreint les règles de l'Organisation mondiale du travail interdisant le travail des enfants.
Sous la dernière législature, l'ex-secrétaire d'Etat au développement durable, Els Van Weert, avait fait passer un projet similaire. Mais le gouvernement n'avait pas pu le mettre en oeuvre, faute de moyens. Car ce texte prévoyait d'octroyer un avantage fiscal supplémentaire à ceux qui opteraient pour une épargne-pension éthique, tout en maintenant l'avantage fiscal relatif à l'épargne-pension ordinaire.
Bientôt un Conseil de l'ISR ?
La proposition de Philippe Mahoux prévoit quant à elle que tous les produits d'épargne-pension existants répondent désormais à des critères d'ISR. Le coût budgétaire de la mesure serait donc nul puisque l'avantage fiscal ne dépasserait pas ce que l'épargne-pension ordinaire permet actuellement. Le sénateur socialiste veut ainsi contraindre les banques et les assureurs à appliquer davantage les critères éthiques. Actuellement, ils n'interviennent "que" dans 6,01 pc des cas. Telle est la part de marché des fonds d'ISR en Belgique. Autrement dit, sur les 178,01 milliards d'euros placés dans des fonds en Belgique, 10,7 milliards répondent à des critères d'ISR. (2) Y ajouter les montants gérés dans le cadre de l'épargne-pension, à savoir 18,5 milliards d'euros, constituerait évidemment un énorme coup de pouce à l'ISR belge.
Si l'épargne-pension a attiré autant d'argent jusqu'à présent, c'est grâce à son régime fiscal très favorable. Concrètement, chaque année, tout contribuable peut affecter un certain montant à son épargne-pension, qu'il s'agisse d'un fonds ou d'une assurance.
Cet investissement donne droit à une réduction d'impôt à concurrence de 30 à 40 pc (selon le taux d'imposition moyen du contribuable) du montant placé. La loi prévoit évidemment un plafond. En 2007, chaque contribuable a pu consacrer jusqu'à 810 euros à son épargne-pension. Grâce à l'indexation, ce montant maximum passe à 830 euros cette année. La réduction d'impôt varie donc d'environ 250 euros à quelque 330 euros, selon la situation du contribuable.
Pour que la proposition du sénateur Mahoux soit praticable, il faut encore qu'il existe une définition légale de l'ISR. Or, actuellement, ce sont généralement les organismes financiers eux-mêmes qui déterminent les critères permettant de qualifier un placement d'ISR ! Philippe Mahoux a donc prévu une autre proposition de loi, qui institue un Conseil de l'ISR, composé de représentants de tous les secteurs concernés (banques, assureurs, consommateurs, employeurs, travailleurs, ONG, etc.). Ce Conseil serait chargé de déterminer des critères transparents permettant de qualifier un produit financier d'investissement socialement responsable.
(1) Selon l'Association belge des gestionnaires d'actifs (Beama), l'actif net des fonds d'épargne-pension a atteint 11,76 milliards d'euros fin septembre 2007. Selon Assuralia, l'union professionnelle des entreprises d'assurance, le total des réserves placées en assurance épargne-pension a atteint 6,857 milliards d'euros fin 2007.
(2) Données au 30 juin 2007, selon le rapport annuel du Réseau financement alternatif.
© La Libre Belgique 2008