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Lexique économique et social
Mis en ligne:09/12/2005 
CHINE : Fin de l'eldorado
 

AP


L'économie chinoise ne fait plus merveille. Les investisseurs étrangers font grise mine, et la bureaucratie locale empêche les réformes et les regroupements d'entreprises.

L'essor économique de la Chine a été tel que l'on a du mal à imaginer ce pays tomber en récession.
Pourtant, son expansion, qui a ces dernières années contribué pour un bon tiers à la croissance économique mondiale, a commencé à ralentir et le monde s'apprête à en subir les conséquences. Selon les statistiques officielles, la croissance se poursuit. Pour la première moitié de 2005, le PIB s'est accru au taux annuel de 9,5 %, soit au même rythme que celui des deux années précédentes. Mais ces chiffres ne sont pas tout à fait crédibles. Les indicateurs d'activité calculés par des économistes indépendants à partir de données sur les investissements, la production d'électricité et les volumes de marchandises transportées montrent que la croissance a ralenti de 16 % au début de 2004 pour tomber entre 10 % et 12 % environ au milieu de 2005, et un nouveau fléchissement à peut-être 8 % est attendu en 2006.
Les importations d'énergie ralentissent sensiblement, en partie parce qu'il y a davantage de charbon local disponible et en partie parce que la demande finale est moins forte, au point que les pénuries d'électricité risquent de devenir des excédents. Le taux annuel de croissance des importations de pétrole brut est passé d'environ 30 % en 2003 et 2004 à tout juste 4 % au premier semestre de 2005. Prix de l'immobilier en chute libre Les prix dans le secteur immobilier, l'un des plus importants moteurs de l'investissement et de la surchauffe économique, ont commencé à fléchir dans les grandes villes.
A Shanghai, le prix des terrains a chuté de 20 % au cours de l'été 2005 à la suite des mesures gouvernementales de lutte contre la spéculation foncière. Le stock d'immeubles invendus s'accroît et pèse sur la trésorerie des promoteurs, qui doivent annuler de nouveaux programmes. Dans d'autres secteurs aussi, les projets d'investissements sont en perte de vitesse _ qu'il s'agisse d'aciéries ou de ports pour navires porte-conteneurs. Jim Walker, économiste en chef à CLSA, une maison de courtage basée à Hong-Kong, estime que le taux annuel de croissance réel du PIB pourrait bien diminuer en 2006 pour atteindre entre 6 % et 7 %, un niveau plus que satisfaisant pour la plupart des pays mais pas pour la Chine, dont les dirigeants considèrent le seuil de 7 % comme le minimum nécessaire pour assurer une croissance suffisante de l'emploi et maintenir la stabilité sociale.
Le ralentissement de l'économie va toucher les entreprises. Compte tenu de la forte concurrence et des surcapacités existantes dans beaucoup d'industries manufacturières, les sociétés ne pourront pas augmenter leurs prix pour compenser les effets de la baisse des volumes vendus. Les coûts augmentent simultanément, qu'il s'agisse de celui des matières premières et de celui du travail. Bien que les salaires soient encore peu élevés en termes de standards internationaux, ils ont augmenté de 12 % au cours de la dernière décennie. Le manque de personnel qualifié est particulièrement sensible chez les ingénieurs et les cadres supérieurs, dont les niveaux de rémunération sont en train de rejoindre ceux des pays développés. Autant de facteurs qui pèsent sur les marges bénéficiaires et réduisent la progression des profits.
Les difficultés frappent aussi les entreprises étrangères installées en Chine. Sur le marché automobile, par exemple, les deux leaders, Volkswagen et General Motors, avaient réalisé des bénéfices substantiels en Chine au cours des cinq dernières années. Ces gains se sont volatilisés en 2005. Le constructeur allemand a même enregistré de lourdes pertes et a vu se réduire sa part de marché. Au cours des douze derniers mois, le taux de croissance de ce marché est passé de 75 % à 0 % par suite des mesures gouvernementales défavorables à l'achat à crédit des automobiles. Dans de nombreuses industries, beaucoup d'entreprises étrangères sont confrontées à la baisse de leurs bénéfices et à la perspective peu réjouissante de devoir, une fois encore, renoncer à un retour correct sur leurs investissements après des frais d'installation élevés et seulement deux à trois bonnes années. Profitabilité menacée Paradoxalement, les plus gros capitalistes du monde souffrent aujourd'hui des effets de la vague de capitalisme effréné qui s'est abattue sur la Chine.
La déréglementation, l'encouragement du secteur privé et le caractère de plus en plus sacré du droit de propriété ont produit en Chine une grosse flambée d'activité entrepreneuriale qui a dynamisé la croissance et créé des emplois. Elle a également intensifié la concurrence et menace maintenant la profitabilité. Malheureusement, le passage du socialisme à la libre entreprise n'est qu'à moitié accompli. Les entreprises chinoises sont encore plus soucieuses de leur taille que de leurs profits, et il n'y a pas encore de mécanismes de marché facilitant la prise de contrôle des plus faibles. D'ailleurs, les bureaucrates locaux, déterminés à conserver leur emploi et leur statut, s'opposent activement à tout regroupement significatif d'entreprises. Bien que les sociétés chinoises, qui n'ont pas d'actionnaires à satisfaire - ou un seul, l'Etat- puissent survivre plus longtemps que les multinationales dans un tel contexte, certains cherchent à aller à l'étranger. Cette tendance, associée à une politique encourageant les industriels à s'implanter hors de Chine a entraîné une prolifération de tentatives d'acquisitions outre-mer par les grandes entreprises locales.
Le dernier exemple en date étant celui de CNOOC, un groupe énergétique qui a proposé de racheter son rival américain Unocal. D'un point de vue politique, ces tentatives de plus en plus agressives de rachats de sociétés étrangères, en particulier américaines, sont intervenues dans une période peu favorable. La Chine est déjà sur la sellette pour sa politique commerciale mercantile. Si, avec le ralentissement de la croissance, elle perd en même temps l'attrait de son marché et sa capacité à tirer l'économie mondiale, l'année 2006 pourrait voir le monde des affaires lui tourner le dos.



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© 2006 Sameena Ahmad, correspondante en Asie du service Finance de "The Economist"